Posté le 01/12/2015 par Patrice Geoffron

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Les activités humaines constituent le facteur majeur de pollution de l’air, les humains se concentrent dans les villes, les villes concentrent donc la pollution. Cet enchaînement, qui trouve son origine dans le Londres de la révolution industrielle du XIXème siècle, est en passe de devenir une « loi Â» universelle du XXIème. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à partir d’une étude portant sur 1600 métropoles dans près d’une centaine de pays, 12% seulement des habitants de ces villes bénéficient d’une qualité de l’air conforme aux recommandations, tandis qu’à l’inverse près de 50% pâtissent de pollutions au moins deux fois et demie supérieures aux prescriptions. 

Les causes sont multiples et connues : l’utilisation de combustibles fossiles, charbon en premier lieu, l’usage de la biomasse pour les besoins du foyer (cuisine et chauffage), l’insuffisance des transports publics, l’inefficacité thermique des habitations et des bâtiments tertiaires, la proximité d’industries lourdes, … Ces facteurs produit généralement des pollutions locales dégradant la qualité de l’air et des pollutions globales (émissions de CO2) conduisant au dérèglement climatique. La « reconquête Â» de l’air constitue donc un des enjeux de la COP 21 et, en particulier, cet objectif détermine largement l’engagement déterminer de la Chine (dont l’objectif est désormais d’inverser la courbe de ses émissions de gaz à effet de serre avant 2030).

La nécessité d’agir est impérieuse car les conditions sont réunies pour que le problème gagne encore en acuité :

Alors que, depuis 2006, un humain sur deux vit en ville, cette proportion est appelée à croître jusqu’à 70% en 2050 et 80-90% même dans l’OCDE (selon l’ONU).

Cette urbanisation conduit à un « foisonnement Â» de villes géantes, dont le nombre passera de 10 en 1990 à 40 en 2030.

Et il serait faux de croire que la dégradation de la qualité de l’air est un syndrome d’économie en développement ou émergente. Selon l’OCDE et l’OMS, les dégradations de la qualité de l’air en Europe provoqueraient 600000 décès prématurés par an (dont 20% imputables à l’air intérieur), soit un coût de 1 400 milliards d’euros représentant entre 1 et 10% du produit intérieur brut (PIB) des pays couverts par l’étude : 2,3% pour la France, 3,7% pour le Royaume-Uni, 4,5% pour l’Allemagne, … 

Mais il est possible de prendre la menace à « bras le corps Â» et de considérer que l’Europe constitue aussi la zone pionnière pour inventer les villes du XXIème siècle. Le Bureau Européen de l'Environnement (BEE) recense les « meilleures pratiques Â» déployées dans les grandes villes européennes, dessinant les contours d’un véritable incubateur européen :

Délimitation de zones à « faible émission Â» (Stuttgart, Berlin, Lisbonne, …)

Diversité et diversité de l’offre de transports (Paris, Helsinki, Zurich, Vienne, …)

Tarifications incitatives (Stockholm, Milan, Amsterdam, …)

Information des citoyens, ouverture des données, (Zurich, Lyon, Amsterdam, …)

…

Au-delà de la gestion du trafic routier et des congestions, se dessine une perspective plus vaste liée à l’émergence de villes qualifiées « d’intelligentes Â». L’enjeu du déploiement de ces smart cities ne se limite à la question de l’air : plus généralement, il s’agit d’organiser des infrastructures (énergie, transport, eau, …), des services publics (santé, éducation, …), des parcs de bâtiments (habitat, tertiaire) communicants et durables. Derrière la « reconquête de l’air Â» se dessine ainsi un nouveau projet de vie en société.

 

http://sootfreecities.eu/city

http://www.lesrespirations.org

http://www.who.int/topics/air_pollution/fr/

 

Gonand F., Kerting T., Lorenzi M. (2015), La bataille de l'air : enjeux économiques de la qualité de l'air.

OMS, OCDE (2015), Economic cost of the health impact of air pollution in Europe: Clean air, health and wealth. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe.

Sénat (2015), Pollution de l'air : le coût de l'inaction, Rapport n° 610.