Par Olivier Sibony, Professeur de stratégie à HEC

Mardi 28 mars 2017
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Pourquoi des décisions stratégiques capitales, prises par des dirigeants expérimentés et talentueux, au terme de réflexions longues et approfondies, semblent-elles souvent constituer des erreurs ?

Pourquoi, en particulier, certains types de décisions – acquisitions, grands investissements, entrée sur de nouveaux marchés – nous semblent-ils systématiquement marqués par des prises de risque inconsidérées et un budget sous-évalué ? Et pourquoi d’autres types de décisions semblent-ils au contraire révélateurs d’une dangereuse inertie – par exemple quand il faudrait réagir à une mutation stratégique, céder des unités en difficulté, ou réallouer radicalement ses ressources ?

On s’intéresse ici aux erreurs stratégiques récurrentes. Il en existe trois grandes catégories :

Les erreurs d’action, lorsqu’une action est réalisée alors qu’elle ne devrait pas l’être, comme par exemple le fait de surpayer des acquisitions ;

Les erreurs d’inertie qui sont un manque de réaction au changement, par exemple le fait de ne pas réallouer les budgets lorsque la situation externe évolue ;

Les erreurs de modèle mental, lorsque le cadrage de la question stratégique qui se pose est trop étroit, par exemple, appliquer les "best practices" d’une autre entreprise, qui ne sont pas adaptées au modèle de l’entreprise où elles seraient implantées.

L’explication des erreurs est de nature cognitive, amplifiée par des biais qui nous influencent dans le mauvais sens. Les biais sont inhérents à la nature humaine, issus de nos façons de penser, de nos heuristiques, et génèrent ainsi des erreurs systématiques.

Or une caractéristique spécifique de ces biais est que l’on n’en a pas conscience, et que même si l’on en a conscience, on ne peut pas les surmonter individuellement. La seule solution repose sur la désignation d’une méthode de décision au niveau organisationnel.

Trois types de mécanismes peuvent être mis en place :

Le dialogue : imaginer ce qui a pu aller mal (se positionner dans le passé et non dans le futur) ; 

Le décentrage : faire intervenir des challengers externes de façon systématique ;

La dynamique : instaurer le débat et ne pas avoir peur de la confrontation.

La compréhension des mécanismes mentaux de la prise de décision apporte un éclairage précieux et souvent négligé. De la même manière que l’économie comportementale intègre la réalité de comportements humains « irrationnels », la
« stratégie comportementale » analyse les ressorts de la prise de décision stratégique en en reconnaissant explicitement les composantes cognitives, sociales et affectives.

Cette grille de lecture ouvre la voie à une réflexion sur des méthodes de prise de décision qui permettent de minimiser les effets négatifs de nos limites cognitives – et donc de prendre de meilleures décisions.

Cliquez ici pour accéder à une interview vidéo d'Olivier Sibony sur cette thématique